En Occident la
forte identité nationale s’est transmise et
consolidée en partie par l’école.
Depuis la Renaissance les élèves
relient le monde païen grec et le monde chrétien
au sein de la même culture française. Au début du
XXème siècle, si des pédagogues
s’alarment déjà des « ravages » que
préparent les temps modernes en s’affranchissant
progressivement des études classiques, cinquante
ans plus tard on lit toujours l’Iliade et
l’Odyssée dans les petites classes (même si c’est
dans la traduction) et l’on apprend encore les
noms des dieux grecs et latins.
On y apprend aussi la morale
laïque, celle que Paul Bert a voulu voir régler
les rapports sociaux, sans qu’elle se distingue
beaucoup des règles chrétiennes qui avaient
conditionné antérieurement les relations humaines
dans la société française.
Enfin les enfants des écoles
doivent apprendre les noms des régions, des
départements et des fleuves, le tracé des
frontières ainsi que les dates qui jalonnent
l’histoire de l’unité de la France, les dates où
son intégrité fut menacée, celles de ses victoires
militaires mais aussi de ses découvertes
scientifiques et de ses avancées sociales….
Ainsi,
l’Enseignement a fixé pour les élèves de France
un espace historiquement connu et
géographiquement délimité où leur jeunesse
s’enracinait, et où s’est déployée l’idée d’un
monde meilleur à construire. Une création faite
par l’homme, pour l’homme, dans laquelle le pays
auquel ils appartenaient charnellement avait un
rôle important à jouer.
Au XIXème
siècle, dans la Régence d’Alger, terre
d’Islam, c’est la Vérité révélée par le
Prophète, contenue dans le Coran, donc
immuable et universelle, qui est l’objet de
l’enseignement. Il est dispensé dans une
société fragmentée, très hiérarchisée où
l’appartenance religieusejoue un rôle important, sans autre réel
facteur d’unité que la fidélité commune aux
mêmes commandements divins.
Pour les Musulmans si le progrès
technique (et la recherche des savoirs sur lequel
il repose) n’est pas mauvais en lui-même, il est
pourtant le signe que l’homme, en plaçant son
intérêt propre au centre de ses préoccupations,
usurpe la place qui revient à Dieu. Les effets du
progrès se mesurent trop souvent par l’éloignement
qu’il engendre vis-à-vis des préceptes sacrés. Or
les lois humaines ne sauraient entrer en
compétition avec la loi divine.
Il a résulté de ces deux
conceptions un sentiment de supériorité réciproque
et des affrontements, des débats et de longs
errements dans l’élaboration d’une politique
d’enseignement par la France en Algérie.
En effet, pour les responsables
français qui avaient foi dans les bienfaits de la
civilisation, l’Occident était en avance. Au nom
de la dignité de tous les hommes, valeur placée au
sommet de la hiérarchie, il revenait aux plus
favorisés la mission de faire accéder les moins
favorisés aux bienfaits de cette civilisation.
Pour les Musulmans de la Régence
cette supériorité ne pesait rien à côté de celle
du vrai Croyant qui place l’obéissance à la loi
Divine au sommet de la hiérarchie. Ils
constataient en outre que « les
Infidèles » qui se prévalaient du progrès
faisaient aussi souvent étalage de leur athéisme,
franchissant ainsi un nouveau grade dans l’erreur.
C’était un comportement
choquant affecté par beaucoup de soldats français
et d’Européens peu après la Conquête.
2-L'ECOLE CORANIQUE
Eléments
extraits d’une « note sur
l’instruction publique musulmane »
datée de 1850
Ce texte nous renseignesur la connaissanceque les responsablespolitiques avaient du pays 20 ans après
la prise d’Alger, sur leur état d’esprit et
sur les buts qu’ils poursuivaient.
« L’utilité
et l’urgence des mesures à prendre pour
développer l’instruction publique musulmane ne
sont plus aujourd’hui en discussion. Grâce à
Dieu, l’administration n’a pas eu de grands
efforts à faire pour démontrer qu’en
maintenant les Arabes dans l’ignorance on
travaillait à grossir l’armée du fanatisme et
par conséquent à augmenter le nombre de nos
ennemis.
…En Algérie
rien ne rappelle les institutions et les
coutumes qui régissent en France
l’instruction publique. Le
gouvernement, l’administration publique
n’avait aucune part immédiate à la direction
et à la surveillance de l’enseignement. Les
particuliers n’avaient pas non plus formé des
entreprises à leurs risques et périls, pour
instruire la jeunesse ou pour professer la
science.
L’instruction
avait été placée sous la sauvegarde de la
religion. Le Koran, dans
plusieurs de ses chapitres, a honoré et glorifié
le savant ; il encourage l’étude afin de
propager la connaissance des vérités
religieuses. Aussi, pour tous les musulmans,
apprendre à lire c’est apprendre à déchiffrer le
Koran ; apprendre à écrire, c’est retracer
les caractères du livre sacré. Le Koran est la
base même de l’enseignement primaire, de même
qu’il devient plus tard le texte des leçons pour
l’instruction secondaire et le but des hautes
études.
Dans tous les pays
musulmans, c’est une règle générale et à peu
près absolue, qu’à côté de chaque mosquée, ou de
chaque chapelle, il y ait une école. Mais le
culte, pas plus que l’instruction publique,
n’avait ni budget, ni subvention spéciale,
alloués par l’état. La mosquée ou la chapelle
étaient fondées par des personnes pieuses, ou
par de hauts fonctionnaires, qui immobilisaient
des propriétés dont le revenu était consacré à
l’entretien de l’édifice et à la rétribution du
personnel du culte.
Dans la
dépendance de la mosquée, il y avait toujours
un local affecté à l’école ;
l’administration des revenus des mosquées
était chargée de l’entretien et de
l’ameublement de ce local. Lorsqu’il n’y avait
pas de mosquée dans un voisinage rapproché,
les habitants se cotisaient pour la location
d’une salle d’école et pour l’achat de
fourniturestrès
simples d’ailleurs. »
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Talebs recopiant
les versets du Coran
Ecole coranique à
In Salah
3-ORGANISATION GENERALE DE
L'ENSEIGNEMENT SOUS LA REGENCE D'ALGER
Nous avons conservé les noms et leur
orthographe tels qu’ils figurent dans les
documents de l’époque
« L’école
primaire portaitle nom de Mecid ou de Mekteb
(lieu où l’on lit) »
« L’instituteur… (Mouadeb :
éducateur) cumulait son rôle avec celui d’imam
(qui récite la prière) de Kaïm (préposé aux
soins de propreté) de muezzin ou de taleb (qui
lit le Coran) »
Sa fonction d’enseignant était
rétribuée par les parents d’élèves (de 15 à 60
francs par an en fonction de leurs moyens). Il
recevait des cadeaux pour les fêtes religieuses et
chaque fois que l’élève abordait un nouveau texte
du Coran.
Dans les tribus, en l’absence de
zaouïa, c’était une tente qui était affectée à
l’école. La rémunération était essentiellement
donnée en nature.
Pour les familles les plus
riches un employé d’une mosquée proche pouvait
venir enseigner aux enfants.
La surveillance de l’enseignant
dépendait des habitants du quartier qui pouvaient
demander son renvoi au cadi.
Selon le rédacteur du rapport «L’instruction primaire était beaucoup
plus répandue en Algérie qu’on le croit
généralement…. la moyenne des
individus de sexe masculin sachant lire et
écrire était au moins égale à celle que les
statistiques départementales ont fait connaître
pour nos campagnes (françaises) ».
L’enseignement, se limitait
toutefois à la lecture et à la récitation du Coran
sans analyse ni commentaires qui leur permettent
de comprendre.
« Les élèves
récitaient ordinairement le live sacré trois
fois en entier pendant qu’ils fréquentaient le
mekteb. Ils apprenaient en même temps à écrire.
Le Mouadeb écrivait successivement tous les
chapitres du Koran sur une planchette blanchie
et, lorsque l’élève avait retenu par cœur la
leçon, il faisait un présent de peu d’importance
à son maître »
Il n’existait pas de classes et
de niveaux distincts
Selon les revenus de la famille
les enfants fréquentaient assez longtemps l’école
pour pouvoir réciter le Coran en entier. Les plus
pauvres n’y restaient que le temps d’acquérir une
connaissance partielle du Livre saint.
L’instruction secondaireétait dispensée dans la Madrassa (lieu
consacré à l’étude)(On trouvera aussi
« médersa » dans les textes). Le professeur se nommait Moudras (érudit)
« La madrassa, ainsi que le
mekteb, était presque toujours attenante à une
mosquée dans la ville, et à une zaouïa dans la
tribu. Elle était entretenue au moyen de revenus
de la fondation pieuse » L’enseignement
y était gratuit.
On
y enseignait les différents traités de grammaire
et l’explication des commentaires du Coran.
« Les élèves qui connaissaient
bien les 6 traités de grammaire étaient réputés
« Taleb » et étaient aptes à devenir
lecteurs du Koran dans la mosquée, Khodja
(écrivain), fonctionnaire public, mouadeb dans
les écoles primaires. »
« Le moudarès » (professeur de
medersa) était payé sur les revenus de
la mosquée dont dépendait la médersa ; il
cumulait souvent ses fonctions avec celles du
culte ; il recevait l’huile pour préparer se
leçon du lendemain, l’eau des ablutions, les
nattes pour aménager la médersa.
« Dans la
zaouïa, c’était ordinairement un des membres de
la famille du marabout à la mémoire duquel le
monument avait été élevé qui remplissait la
fonction de moudras »
Les pèlerinages de fidèles à la
zaouïa étaient sources de revenus pour la famille.
En dehors de toute surveillance,
ces écoles pouvaient parfois devenir « écoles
de vice ou même repaires de bandits »
Les hautes études.
Elles étaient dispensées dans les grandes mosquées
des villes ou dans les zaouïas les plus
importantes.
On y enseignait le droit, la théologie,
les traditions, parfois l’astronomie,
l’arithmétique et l’algèbre.
Les professeurs étaient
rétribués sur les revenus de la mosquée en ville,
et par les offrandes des hommes pieux dans la
zaouïa.
Celui qui avait reçu cet
enseignement avec succès était nommé
« alem » (pluriel
ouléma). Il pouvait devenir cadi, muphti,
professeur de médersa.
La
médersa délivrait les diplômes du second degré
avec le titre de « taleb » ou les
diplômes qui donnaient rang parmi les oulémas.
Le rédacteur du rapport conclut
qu’une grande partie des enfants suivaient
l’enseignement coranique, que 2 ou 3000 jeunes par
province fréquentaient la médersa, et 6 à 800 au
plus par province allaient jusqu’au niveau
supérieur.
L’administration des revenus des
mosquées avait été laissée un temps à des
religieux hostiles à la France après quoi les
immeubles des mosquées (les
biens habous) avaient été
réunis au domaine de l’état.
Les Habous
Au temps de la Régence
turque, le beylik confisque les biens de ceux
qui lui déplaisent c’est pourquoi les
particuliers constituent leurs biens en
« habous. »
Il est alors fait
donation d’une partie, ou de tous ses biens,
pour l’entretien d’une œuvre religieuse ou de
bienfaisance (mosquée, école, fontaine, zaouia)
A l’origine la donation
du bien habousé devait être suivie « du
dessaisissement du fondateur et de la prise de
possession du bénéficiaire, ou de son
représentant, condition obligatoire pour tous
les actes de libéralité ».
Mais par la suite
certains imams de l’école hanéfite déclareront
« non obligatoire » ce
dessaisissement et cette mise en possession.
« On put voir dès lors, le constituant
rester en possession de la chose habousée,
c’est-à-dire faire une bonne œuvre, mériter la
reconnaissance des bénéficiaires et les
récompenses divines, sans rien changer à son
train de vie, ni diminuer son avoir. »
Le fondateur peut aussi
constituer le habous
« à son profit, sa vie durant »,
c’est-à-dire qu’il conserve, comme par le
passé, la jouissance de l’immeuble habousé,
- après quoi il est dévolu, soit à des
descendants à l’infini, ou à tout autres
intermédiaire qu’il désigne ; puis,
lorsque toutes ces dévolutions sont
épuisées, il est enfin attribué
définitivement au bénéficiaire qui sert de
prétexte au habous et qui est trop souvent
une fiction » (Doctrine et
législation. E. Mercier 1895)
Le
revenu de l’immeuble habousé servira à une œuvre
pieuse mais la donation ne prendra effet qu’à
l’extinction de la famille du donateur.
La
gestion des biens habous est d’une complexité
extrême et sources de toutes les fraudes
possibles. Mais avec leur annexion au domaine de
l’Etat« La
tradition des dépenses pour l’instruction
publique s’est entièrement perdue » sans
que personne ne s’en inquiète vraiment, ni parmi
les musulmans, ni chez les autorités françaises, regrette le rédacteur.
« On a paru
d’abord se réjouir de la décadence des écoles
musulmanes en pensant que la civilisation aurait
plus facilement raison des indigènes ignorants
et on a appelé les jeunes arabes dans les écoles
françaises, pour y apprendre notre langue. Ils
n’y sont pas venus ; car aux yeux des
musulmans, l’école est le lieu où les enfants
apprennent à prier, à connaître la vérité
religieuse et à aimer le Livre sacré »
Le rédacteur de la note propose
la restauration de l’enseignement coranique « en n’introduisant des
innovations qu’avec la plus grande
réserve » et la traduction en « langue arabe vulgaire de
bons traités élémentaires afin de solliciter peu
à peu l’esprit des musulmans à sortir de la
torpeur du fanatisme ». Il
envisage l’emprunt de professeurs à Tunis ou à
l’Egypte, de « mettre en lumière toute une
face de la vie apostolique de Mohammed… »
« Il est
nécessaire que les enfants apprennent dans les
écoles, non seulement l’arabe, la géographie, le
calcul, les éléments de la chimie, de la
physique, la science naturelle, la langue
française, mais encore les arts utiles, les
professions industrielles et l’agriculture.
L’enseignement
littéraire trouvera sa sanction dans le Coran,
l’enseignement industriel sera sous le patronage
des traditions musulmanes les plus respectées.
« Le jour où
nous aurons inspiré aux indigènes le désir de
connaître et de se rendre compte, la cause de la
civilisation sera gagnée et le fanatisme
religieux sera vaincu à jamais. Le Koran
lui-même prendra à leurs yeux une signification
nouvelle »
[1]On trouvera sur
le site dans la rubrique « archives »
l’extrait d’un discours en hommage à M. G.C
Berdou, enseignant, lors de sa remise de la
Légion d’Honneur par M.L.Donain, inspecteur
à Bougie. Son discours illustre d’une part
l’écart des deux conceptions de
l’enseignement que nous évoquions en
préambule, écart qui perdure un demi-siècle
plus tard, et d’autre part les moyens
trouvés par les enseignants français pour le
combler.
3- SITUER L'ECOLE DANS LA
REGENCE D'ALGER: UNE PRESENTATION RAPIDE
Vue d'Alger
(Jungmann)
Depuis le XVIème siècle,
les Turcs, vainqueurs des Espagnols, sont
solidement implantés « en Alger » qu’ils
tiennent grâce à la milice des janissaires
ottomans et grâce à la corporation des raïs :
les corsaires, qui ont assuré la prospérité de la
ville.
La Régence, dont la
population totale est évaluée à
2 500 000 habitants à l’arrivée des
Français, est divisée en 3 beylicks ou provinces.
Celui de l’Est avec Constantine pour capitale,
celui du Titteri, (province d’Alger) capitale
Médéa, celui de l’Ouest, capitale Mascara et, plus
tard, Oran.
Le
cadre administratifest
réduit. Plus on s’éloigne vers le Sud, les
montagnes Kabyles ou les hauts-Plateaux, plus
l’autorité turque a du mal à s’imposer et se
trouve déléguée à des tribus indigènes dites « maghzen ». Elles font
rentrer les impôts prélevés sur les cultivateurs
sédentaires. pour le compte du Dey, mais les
grandes familles de l’intérieur jouissent d’un
pouvoir avec lequel la puissance ottomane a tout
intérêt à composer.
Survol
d'Alger
Alger: dessin à la
plume de 1841
La ville s’est constituée sur un
ensemble d’îlots reliés entre eux. Ils supportent
le Penon : forteresse espagnole qui bloqua la
ville de 1510 à 1529 et dont Kheir-ed-Din,
corsaire turc appelé à la rescousse contre
l’occupation espagnole, s’empara.
Le Penon fournit l’essentiel de
la protection d’Alger puisque les attaques
viennent de la mer. La digue qui le relie à la
terre protège le port de la houle. Décidée par
Kheir ed Din, elle fut construite par 10 000
captifs chrétiens et fut achevée en 1533.
Néanmoins, côté terre, la cité
s’abrite derrière une ceinture fortifiée « L’enceinte
d’Alger consiste en un mur à l’antique de 11 à
13 mètres de hauteur, couronné d’ouvertures à
meurtrières et en tout de 214 embrasures à
canon, garni généralement à petites distances de
tours à peu près carrées, sans saillies et sans
capacités » Ce texte est de Boutin, un
officier envoyé par Napoléon en 1808 dans le but
de préparer une expédition contre la cité
corsaire.
Un fossé précède un second mur
d’enceinte de 2 à 3 mètres de haut.
Plusieurs forts complètent le
dispositif.
Les portes ouvertes dans les
enceintes sont fermées le soir et le vendredi
pendant la prière
Porte de Bab Azoun
(Genet)
A l’intérieur des remparts,
la ville présente deux zones : El-Djebel (la
partie haute) El Outha (La plaine, la partie
basse)
Alger qui s’est développée
depuis le XVIème siècle avec la
Course, devait sa prospérité aux prises faites en
mer, aux rançons versées par les états chrétiens
pour le rachat des esclaves puis, plus tard, à
l’argent tiré de ces mêmes états en échange d’une
relative sécurité pourleurs
navires de commerce.
Les expéditions se sont
succédé depuis l’échec de Charles Quint contre la
cité des pirates en 1541. Elles furent américaine
en 1815, anglo-hollandaise de Lord Exmouth en
1816, britannique en 1825.
Expédition de Lord
Exmouth (1816): bombardement d'Alger
(Whitcombe)
Vers 1830 l’importance de la
piraterie a beaucoup diminué et la ville, qui est
loin d’être aussi prospère qu’aux siècles
précédents, ne compte que 30 000 habitants environ
Dans le Djebel les rues
couvertes sont nombreuses.
La ville basse (El Outha) est
plus animée et plus composite: Souk el-Kebir relie
la porte Bab el-Oued à la porte Bab-Azoun
Les
rues n’ont pas d’appellation officielle (saut
« le Badestan » où étaient mis en vente
les esclaves chrétiens). Elles empruntent
généralement leurs noms aux artisans qui les
occupent.
Un bazar
d'esclaves à Alger (H.Lecomte)
« La rue
la plus large… peut à peine contenir 3 hommes
de front, les autres ont à peu près 4 à 5
pieds de large ; on a beaucoup de
difficultés à marcher à cause de la multitude
qui est toujours sur pied ; ce qu’il y a
de plus désagréable c’est l’odeur qui infecte,
je ne sais d’où elle provient ; et
ensuite dans ce pays on ne voit pas de
voiture ; ce ne sont que les ânes et les
mulets qui portent tout dans la ville ;
aussi une de ces bêtes, chargées très
étroitement empêche les personnes de passer et
sont obligées de se réfugier dans les coins ou
des corridors ; ces arabes, lorsqu’ils
viennent avec leurs bêtes, en partie des
chameaux, sitôt qu’ils aperçoivent des paysans
ils crient Ballec ou Ouardâ et si à cet
avertissement on ne se met pas de suite à
l’écart on a la charge sur le dos ou ailleurs ».
Extrait de lettre signée Mallarmé. (Sergent
à la 4ème compagnie, 1er
bataillon du 34ème régiment faisant partie de
l’expédition d’Afrique à Alger).
Le
port : les Raïs (les corsaires) habitent la
partie attenante au port où l’on trouve palais et
belles demeures ; c’est le quartier des cafés
et des tavernes (On
y tolère l’alcool). A côté se trouve le
quartier des consulats
La Casbah constitue une citadelle dans la
ville. En 1817 le Dey Al Khodja s’y était réfugié
avec ses trésors pour échapper aux révoltes
périodiques des janissaires
Sur quelques kilomètres autour de la ville se
trouvent de belles demeures, propriétés des
notables turcs, au milieu de jardins luxuriants.
L'entrée du palais
du Dey à la Qasba
Les habitants
La société de la Régence est
compartimentée et très hiérarchisée. Les Turcs
occupent le haut de l’échelle dont le dernier
degré est laissé aux Juifs.
Les Turcs :
ils comptent environ 4000 personnes. C’est une
population masculine car ils viennent sans
épouses.
Parmi eux on trouve
« Les Turcs de profession » des
« renégats chrétiens » devenus pirates
de moins en moins nombreux et de plus en plus
méprisés.
Les Kouloughlis : fils de
Turcs et de Mauresques, ils sont 2 ou 3 000
.« Au bout de deux ou trois générations,
ils se fondent dans la communauté des Maures ».
Les Maures : ils sont12 000 à 16 000. Ce sont
de vieux citadins qui forment une classe, une
sorte d’aristocratie qui se veut distincte des
autres. Les Andalous et les Tagarins (descendants
des Musulmans chassés d’Espagne) en font partie.
Les Berrani : ils comptent
environ 5000 personnes qui regroupent les
étrangers à la ville, le plus souvent
célibataires. Ils sont constitués en petite
communautés sous le contrôle d’un amin.
Les
Mozabites (boucherie, meunerie, bains publics)
Les
Biskris (portefaix, porteurs d’eau, hommes de
confiance)
Les
Laghouati : commerce de l’huile, convois de
bêtes de somme)
Les Kabyles:
-Les
Kabyles (surtout originaires de M’zita en petite
Kabylie, près des Portes de fer, assurent la
liberté de communication entre Alger et
Constantine. Ils ont des accords avec le Beylik.
Les M’ziti travaillent au marché du blé comme
mesureurs ou portefaix
-Les
Kabyles de Grande Kabylie sont mal vus des Turcs
sauf qu’ils s’engagent parfois chez les Zouaouas.
-Ils
restent généralement hors de la ville, dans les
grottes de Bab-el-Oued ,ou les taudis de Bab
Azoun.
-Ils
sontjournaliers dans
les maisons de campagnes des citadins, les
briqueteries et carrières ou domestiques chez les
consuls et négociants chrétiens .
Les nègres
libres : ils sont environ1000,
musiciens, boulangers, plâtriers, vanniers.
Les nègres
esclaves : 1000 qui dépendent de leur
maître.
Les chrétiens
captifs : le nombre est variable en
fonction des captures et des rachats. D’après les
registres, en 1801 ils étaient 545. En 1830 il n’y
en avait que 122.
Les
Juifs : ils sont environ 5000
qui se groupent vers Bab Azoun, prés du Souk
el-Kébir et dans quelques rues vers Bab el-Oued où
se trouve leur grande Synagogue : La Hara.
On distingue généralement « les
Livournais » qui occupent une place
importante dans l’activité commerciale de la
Régence, et les Juifs indigènes soumis par le
pouvoir Turc à des règles de vie contraignantes
qui concernent leurs déplacements ou même la
couleur de leurs vêtements qui doit être sombre.
La langue
« La
lingua franca » est la langue commerciale : une
sorte de sabir parlé par les négociants suédois
grecs, portugais, Turcs d’Anatolie, Berbères de
Kabylie, Arabes du sud, esclaves chrétiens,
intermédiaires juifs, consuls. Il existe à cette
époque un « Dictionnaire de la langue
franque ou petit mauresque » publié à
Marseille sur la Canebière.
Entre soi on parle sa langue
maternelle. Pour les Algérois un arabe simplifié
sert aux rapports journaliers.
Le Turc est
la langue officielle. (Les Turcs à leur
arrivée ne parlent que l’Osmanli.) On
rédige les registres du Beylik dans cette langue.
L’arabe littéraire est
utilisé pour la justice et la religion et de plus
en plus dans les registres administratifs. Il est
connu de la bourgeoisie lettrée
Les Berbères parlent leurs
dialectes
Les juifs, un hébreu arabisé
Les Maures parlent un arabe
citadin mal compris des nomades du sud.
On trouvera dans La
vie quotidienne à Alger à la veille de
l’intervention française, par P Boyer
(paru chez Hachette en 1963) et utilisé pour
rédiger ces notes succinctes, une description
beaucoup plus détaillée et très agréable à lire
de la vie dans la Régence d’Alger.
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