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Biographie de Charles Jeanmaire (Recteur)
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Recteur de l'Académie d'Alger durant 24 ans sous la IIIème République


 

Ceux qui l'ont connu ont dit:

M. Soualah : professeur agrégé au lycée d’Alger
« Il était de l’école de cet autre lorrain que fut Jules Ferry, qui pensait que la revanche de 1870, la France l’obtiendrait plus sûrement encore que par les armes, en se donnant une arme virile par l’école, et en élargissant son territoire et son idéal par l’expansion coloniale, c’est-à-dire par la conquête des pays et surtout des âmes vierges… »

M. Soualah poursuivit en dénonçant le jugement porté par certains sur « la race indigène » et qui restaient convaincus de l’inutilité des écoles : « Si les germes d’avenir sont obscurs dans la race, est-il assuré qu’ils sont absents. C’est l’éducation qui a fait les races supérieures. Chez les plus élevés en dignité, la civilisation est souvent venue de l’extérieur…. « Il (Ch Jeanmaire) pensait bien qu’une race ensommeillée depuis des siècles ne se réveillerait pas, comme la belle des légendes féeriques, rajeunie, revivifiée, à l’appel de quiconque, fut-il prince. Il comptait beaucoup sur le temps… Il agissait sur tous…. Dans ses discours aux assemblées algériennes… il tenait tête …à la ruée…de ses adversaires. Aujourd’hui…la bataille est gagnée….Les écoles d’indigènes ont poussé, dispersées ou drues, suivant les régions, depuis cette époque….Dans ces pépinières de culture française, 500 000 cerveaux se sont entr’ouverts à l’ensemencement des idées. »

Monsieur Soualah rappela encore la fidélité des populations à la France pendant la première guerre mondiale, preuve d’un attachement dont il situait en grande partie l’origine dans l’enseignement.

Il poursuivit : « Mesdames et Messieurs, ce souvenir même souligne un des caractères fondamentaux de l’Ecole indigène dans ce pays. Elle n’ pas été conçue uniquement pour aider le fellah à relever sa condition matérielle. Elle atteint aux sources profondes de la moralité et de la vie sociale…. Il (Ch Jeanmaire) a voulu qu’en pays indigène comme en pays européen, l’action du maître fut une éducation, que l’indigène passé par cette discipline, comprit la nécessité de l’ordre et du travail, la vertu et la beauté de la tolérance, la haute obligation du respect envers les lois. Derrière lui, tout ce que la France comptait de penseurs éminents le raffermissaient, l’encourageaient dans cette voie. Les membres du gouvernement, les fondateurs de la République…marquaient ….que l’Ecole indigène ferait faillite à tous les espoirs mis en elle si elle ne gardait pas, en même temps que son caractère pratique, des échappées vers des horizons élevés et désintéressés. Citerais-je des noms ? Jules Ferry, Paul Bert, Léon Bourgeois, Emile Combes, Alfred Rambaud, Alain Rozet, Steeg, Messimy, Paul Cambon, Ferdinand Buisson…. Quelle fierté pour nous, indigènes algériens, d’être les fils spirituels de la pensée française quand nous la voyons représentée par des personnages qui sont l’honneur du parlement et du pays. L’œuvre de Monsieur Jeanmaire est une des plus fécondes qui se puisse réaliser….Elle ne s’est pas faite sans que des collaborateurs aient apporté au chef le concours de leur dévouement. Permettaient moi de citer ici quelques noms que la foule n’a pas connus mais devant qui elle s’inclinerait bien bas si elle savait tout ce qu’une phalange d’hommes de cœur a pu faire, silencieusement de bien: Eugène Scheer, Pierre d’Estienne, Berdou, Paul Bernard. Ils ont été les ouvriers presque inaperçus d’une tâche magistrale mais écrasante…. »

Monsieur Tailliard , recteur, successeur de Ch.Jeanmaire :
Il rappela le caractère fort, et parfois difficile, de son prédécesseur. Son étonnante puissance de travail, sa pugnacité, ses qualités d’homme d’action qui étaient soutenues par la réflexion.
 
Il évoqua les oppositions rencontrées chez ceux des Européens qui tenaient l’Ecole indigène pour inutile, chez d’autres qui redoutaient qu’elle ne développe les idées subversives.
 
Il n’oublia pas de mentionner l’opposition tout aussi déterminée des familles indigènes à la scolarisation de leurs enfants. « Il fit tête aux adversaires avec une fermeté inlassable… Ah ! Quel triomphe aujourd’hui pour lui, s’il entendait maintenant de tous côtés ces appels des populations indigènes qui réclament des écoles…»

Monsieur M. Viollette, gouverneur général de l’Algérie :
Celui-ci rappela une fois encore les oppositions à l’école indigène et cite Danton : « L’instruction est, après le pain, le premier besoin des hommes » Le Gouverneur poursuivit : « Ainsi pour la France c’est chose jugée : l’instruction est un besoin. Comporte-t-elle quelques risques ? A n’en pas douter. Mais certes, il ne s’agit pas de savoir si une chose comporte un risque quand elle est, de la façon la plus évidente, un devoir…. Une des grandes gloires de notre pays c’est d’avoir jeté l’idée du contrat social. Et sans doute le contrat social n’est pas à l’origine de nos sociétés, comme le pensait Jean-Jacques Rousseau, mais il n’est pas de cité qui se puisse fonder si le contrat social ne s’installe pas et si le consentement de la totalité des citoyens n’intervient pas pour organiser la grande unité nationale. »

Charles Jeanmaire suscita également des jugements moins favorables.
 
En 1913 un journaliste, Ernest Mallebay, ancien instituteur qui fut son subordonné, écrivit à propos de lui : « Il commettait des gaffes avec une facilité et une régularité merveilleuse, absolument comme un oranger donne des oranges, et il avait des conflits avec tout le monde. Il était dans un bas-fond vaseux, où il risquait d’être enlisé à jamais ; on le vit monter au pinacle…. Que s’était-il donc passé ? Tout simplement ceci, que M Jeanmaire avait rencontré sur sa route un homme profondément intelligent ; que cet homme comme la fée des légendes, était doté d’une baguette magique et que cette baguette il l’avait remise à M Jeanmaire avec la manière de s’en servir. Cet homme s’appelait Scheer : il était un simple inspecteur primaire en Kabylie…. » Inutile de dire que des journaux comme le Temps, le Figaro, les Débats, le Siècle ne tarissaient pas d’éloges sur son compte, si bien qu’après avoir été le plus insuffisant des recteurs, M Jeanmaire en était devenu le plus éminent… »

Le journaliste évoqua ensuite le différend qui opposa le recteur et le Gouverneur Jonnart en donnant cependant le beau rôle à Ch. Jeanmaire.

 


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